Son histoire
Découvrez notre commune depuis sa création en 1789
Au cœur du Beau Pays
La douceur du climat sur la trajectoire des alizés du Sud-Est de la côte au vent, l’abondance de l’eau superficielle et la bonté des sols de notre territoire y ont encouragé l’implantation humaine depuis le début de la colonisation. Sainte-Marie est au cœur de ce Beau Pays, vanté par les douze exilés de 1646 à 1649, et consigné administrativement dans le mémoire d’Étienne Régnault, premier commandant-gouverneur de l’île de 1665 à 1674. Avec une façade maritime à galets basaltiques, une zone de piémont aujourd’hui largement cultivée en cannes à sucre, Sainte-Marie a la tête dans la fraîcheur de ses Hauts facilement accessibles. L’habitat se concentre dans les Bas, sur le Centre-ville historique, autour de l’église et de l’Hôtel de Ville. La vie s’écoule paisiblement dans les hameaux à mi-hauteur, éparpillés au milieu des grandes propriétés de cannes : Bois Rouge, Montée-Sano, Terrain-Élisa, Grande Montée, Flacourt, La Ressource, Les Cafés et Piton Caillou. Puis, en altitude, dans les balcons- jardins tièdes, propices au « changement d’air », où l’on pratique le maraîchage, l’horticulture et le tourisme vert. Le visiteur est frappé par la forte empreinte religieuse dans l’espace et l’histoire de Sainte-Marie : les armoiries de la ville, la toponymie, la tradition orale, les différents édifices des grandes religions, les pèlerinages et fêtes populaires. Il est également frappé par cette conjugaison de la tradition, héritée de la société de plantation, et de la modernité contemporaine, avec l’aéroport, le port et le centre d’affaires. Faiblement peuplé, de par son histoire agricole, et fortement équipé, de par son dynamisme séculaire, Sainte-Marie cultive allègrement tous les paradoxes.
Près de 350 ans d’histoire
Le berceau du métissage réunionnais
L’histoire de Sainte-Marie commence- rait par un naufrage de pirates en 1667, une prière à la Vierge et un miracle. Elle se poursuit, des années plus tard sur les terres Desbassayns à la Rivière des Pluies, par une histoire de chiens poursuivant un petit Noir et un autre miracle encore attribué à la Vierge.
Sainte-Marie c’est aussi une histoire d’amour qui façonnera la population de l’île et en fera le berceau de la créolité. Dans le groupe de Louis Payen, débarquant du Saint-Charles en novembre 1663 à Saint-Paul, se trouvaient Marie Cazo et Jean Mousso. Le couple s’éloigne de la zizanie de Saint-Paul et s’installe de l’autre côté de l’île dans le Beau Pays. Anne Mousso est née et fut baptisée le 14 août 1668.
Elle serait la première Réunionnaise et une des deux grands-mères de tous les Réunionnais; la seconde étant Françoise Chastelain, installée à La Mare. Anne fut tôt mariée à Noël Tessier, originaire de Vannes, vers 1687. Il y avait trente-quatre ans de différence entre l’épouse et le marié quinquagénaire. Elle lui donna huit enfants.
Le couple s’installa sur une vaste propriété à Sainte-Marie concédée par le gouverneur Vauboulon. Les bonnes manières et l’honnêteté d’Anne furent soulignées dans Les Mémoires de Boucher, et elle devint « la souveraine incontestée de Sainte-Marie ». Noël Tessier décédé, Anne se remariera avec Domingue Ferrère le 27 janvier 1722; cette fois le marié avait 34 ans et la mariée 54 ans. Catholique pieuse, elle fit édifier en 1729 une chapelle à la Pointe-Sainte-Marie. Sur son lit de mort, elle exigea comme dernière volonté, la création d’une église paroissiale avec presbytère et cimetière. La famille de la défunte, et même sa vieille mère qui lui survécut, se mirent au travail après sa mort survenue le 19 mars 1733. Et ce rêve devint réalité en 1754. Toutefois, les initiatives de certains de ses proches, comme son époux Domingue Ferrère de débaptiser le quartier pour lui donner le nom de Sainte-Anne resteront vaines; il continuera de s’appeler Sainte-Marie, pour honorer tant la Vierge que Marie Cazo, la première habitante connue du lieu.
De la paroisse à la commune
Sainte-Marie devint paroisse particulière en 1745. Le quartier se structura autour de l’église souhaitée par Anne Mousso et autour de la rivière Charpentier, surnom d’un autre habitant fondateur, Augustin Panon, dit Charpentier, La Varlope ou L’Europe.
Ce charpentier de métier arriva dans l’île comme engagé de la Compagnie des Indes le 5 décembre 1689. Il fit la traversée avec Henri Habert de Vauboulon, le nouveau gouverneur, à bord du vaisseau Saint-Jean-Baptiste. Son contrat terminé, il décida de rester dans l’île; le menuisier-charpentier se fit agriculteur. Le 17 juillet 1694, il épousa Françoise Chastelain. Le 4 avril 1697, il obtint du commandant Bastide la concession de l’habitation La Mare. Il y planta, comme au Grand Hazier, son autre propriété, du blé, de la canne, des bananes et la vigne.
L’agriculture fera venir une population nombreuse. En 1788, Sainte-Marie est la première productrice de coton et d’épices de l’île, notamment le giroflier. Deux ans plus tard, en 1790, le quartier fait partie des onze municipalités créées par le nouveau pouvoir révolutionnaire. Jean-Baptiste, Joseph de Guigné-Montrepos devint le premier maire de la commune. L’hôtel de ville actuel ne sera construit qu’en 1860 sous le Second Empire. C’est une période faste pour La Réunion qui doit alors sa prospérité au sucre. Deux autres communes profiteront de ce contexte économique favorable pour étrenner leur hôtel de ville : Saint-Denis et Saint-André.
La canne supplante vergers et champs
Originaire de l’Indonésie, alors colonie hollandaise, la canne arrive dans l’île via Madagascar ou l’île Maurice. Selon Dubois : les cannes sont présentes dans l’île « abondamment » en 1671. On la retrouve également dans le recensement de 1704 à La Mare, chez Augustin Panon. Les habitants obtenaient un jus pressé, désaltérant, le fangourin. On le laissait se fermenter en alcool pour devenir un « vin de canne ». La chute de l’Isle de France (la future Maurice) en 1810, devenue définitivement anglaise en 1815, ajoutée à la perte de Saint-Domingue (Haïti) dans les guerres napoléoniennes va bouleverser l’économie française et l’économie réunionnaise. La France est privée de sucre. La production betteravière étant encore balbutiante, elle autorise enfin l’île Bourbon, la future Réunion, à faire du sucre et de l’arack. Ce privilège, réservé à l’île sœur auparavant, avait été levé par les Anglais par la loi du 23 mai 1812.
Quelques tentatives discrètes et sans lendemain avaient été menées, notamment par Louis Laisné de Beaulieu, pour produire du sucre dès 1783 à Saint-Benoît. Sa sucrerie fut détruite en 1788, et il mourut en 1799.
La révolution sucrière, initiée par Charles Desbassayns au Chaudron, trouve à Sainte-Marie les meilleures conditions en terre, eau et savoir-faire. La commune se couvre de champs, de sucreries et de chemins d’exploitation. Dans l’air flotte « l’odeur pénétrante et embaumée que dégage la cuite » (Jacob de Cordemoy, 1871). En 1821, les principaux sucriers Sainte-Mariens sont Charles Desbassayns, François Ricquebourg-Boiscourt et la veuve Tabur. En 1827, la canne couvre 779 hectares, soit près de 30% de la surface agricole utile et on compte 30 sucreries. Le sucre « blond nankin » est parmi les meilleurs au monde. Et Sainte-Marie devient la capitale du sucre réunionnais. La nouvelle industrie a besoin de capitaux et de bras. En 1848, sur une population de 3 885 habitants, 3 304 soit 85 % sont des esclaves. Sainte-Marie connaît la grandeur et le déclin du sucre. Les prix bas dans la seconde moitié du XIXe siècle, les attaques du borer, cette chenille foreuse de la canne, les investissements toujours plus importants, et l’éloignement de la France fragilisent l’économie sucrière. Le gouvernement impérial dépêche alors le Crédit Foncier Colonial (CFC) pour aider la filière sucre, mais le médecin achève le malade. Planteurs et usiniers s’endettent auprès de la banque qui saisit terres et usines pour défaut de paiement. La propriété Moka est la première saisie. Le 9 novembre 1881, lapropriété de Julien Gillot L’Étang à la Rivière des Pluies est elle aussi « confisquée » ; il démissionne de ses fonctions de maire de Sainte-Marie et émigre en Nouvelle-Calédonie. Faire du sucre est une aventure douloureuse qui n’épargne pas les plus puissants.
La Mare, fleuron de l’économie sucrière
En un siècle, le nombre d’usines baisse inexorablement. De 244 unités pour la période 1820-1855, l’île n’en compte plus que 30 en 1914.
Les guerres du XXe siècle relancent toutefois le sucre réunionnais. À chaque fois, La Mare relève le double défi de la qualité et de la productivité. Elle est le fleuron d’une histoire commencée en 1820 avec la sucrerie des frères Routier qui fonctionnera jusqu’en 1844. Elle passe ensuite entre les mains des Adam de Villiers et de Bertrand Russel de Bedford. En 1965, Émile Hugot lance même un projet de diversification avec la fabrication de panneaux ligneux à partir de la bagasse (la bagapan).
Après Émile Hugot, Louis Lagourgue en fait l’usine la plus performante de l’île dans les années 1950. Mais, à l’étroit sur son site entre la mer et l’aéroport, mena- cée par la contrainte des servitudes aéronautiques, La Mare est condamnée par un nouveau plan de modernisation de l’industrie sucrière réunionnaise (1979- 1982). Quand elle ferme ses portes en décembre 1981, une histoire de près de trois siècles prend fin.
Le terrain de Gillot pour le premier avion
La Réunion ne possédait pas de port naturel. C’est pour cela que Sainte-Marie sera la grande chance de l’île dans sa relation avec le monde. Le mardi 26 novembre 1929, La Réunion bascule dans la modernité. Un « oiseau de France » se pose dans un champ de cannes défriché à la hâte par la famille Gillot-L’Étang.
Guidé par le paquebot Le Grandidier, l’avion du capitaine-aviateur Marcel Goulette, de l’adjudant chef-pilote René Marchesseau et du sergent-chef mécanicien Jean-Michel Bourgeois atterrit ce mercredi à 12h20. La foule acclame le Farman-Salmson 192 de 230 chevaux (F-AJJB). Le journal Le Peuple du 27 novembre 1929 se félicite de l’atterrissage « sur ce premier aérodrome de La Réunion Rivière des Pluies ». La route Paris-Tananarive-Réunion était ouverte. Le voyage avait pris dix jours et huit heures.
L’aéroport porte aujourd’hui le nom du plus célèbre aviateur de France, Créole de La Réunion : Roland Garros. Peu de passagers qui y prennent l’avion aujourd’hui se souviennent de cette première aventure aérienne qui plaçait Sainte-Marie sur toutes les cartes du monde aéronautique. Les trois héros furent accueillis par Vincent Clérensac Boyer de la Giroday, maire de la commune.
Une stèle commémorative sera érigée à Maperine, lieu-dit aujourd’hui disparu. Lors de la cérémonie d’inauguration, le maire remercia l’équipage « venu nous porter le baiser de la Mère-Patrie ». La stèle sera par la suite déplacée au nouvel aérogare. Maurice Samat fit voler le 23 juillet 1933 son Potez, auquel il donna le prénom de son épouse, Monique. Arrivé en pièces détachées par le bateau Leconte de Lisle, l’avion fut baptisé par l’évêque Monseigneur de Beaumont ; il eut pour marraine Madame Fabre, l’épouse du gouverneur, et pour parrain, Jean Chatel, maire de Saint-Denis.
L’aventure de l’aviation se poursuivit le 8 juillet 1938, quand le premier trimoteur se posa. L’équipage se composait du commandant Dagnaux et du radio-mécanicien Chantaloup.
Puis, l’avion cessa d’être magique, et plus personne ne fut émerveillé en levant les yeux au ciel.
Renouer avec la mer
Paradoxalement, l’avion va donner naissance à un port de plaisance et de pêche à Sainte-Marie. Ce nouvel équipement nautique est la conséquence des travaux d’agrandissement de la piste aérienne afin d’accueillir de gros- porteurs. Deux plages se sont formées de façon naturelle à proximité ; elles protègent le bassin des vagues déferlantes venues du large. Sainte-Marie renoue ainsi avec la mer. Depuis 1818, un embarcadère permettait de charger sur les bateaux de cabotage les produits du Beau Pays : le café, le blé, le riz, le coton, les fruits, les vivres et les épices. Pour préserver cette mer, la station d’épuration intercommunale du Grand Prado fonctionnera bientôt avec les normes de sécurité sanitaire européennes. La vie sucrière s’est arrêtée en décembre 1981 après la dernière « roulaison » de l’usine de La Mare. Mais une nouvelle vie économique se développe dans sa Zone d’Activité Économique (ZAE), devenue un pôle tertiaire. Avant d’accueillir de nouvelles entreprises, CBo Territoria, qui gère « les actifs fonciers » du groupe Bourbon, a procédé à la réhabilitation du site. Le nouveau centre d’affaires a conservé « le génie du lieu » qui veille sur La Mare depuis Augustin Panon. À quelques encablures, la zone aéroportuaire Pierre Lagourgue est adossée au transit aérien pour exporter notamment la douceur de ses fruits et ses punchs tropicaux. Sainte-Marie a su préserver, malgré son dynamisme urbain, industriel et commercial, la douceur de vivre créole. À l’image de son nouveau quartier qui a conservé son toponyme enviable Beau-séjour.